En cette soirée d'hiver, alors que nous étions rentré de Tintagel, Sire Roderick nous fit mander. Ce ne fut point au château mais dans les écuries que réunion se fit. Il devait nous entretenir d'une affaire importante. Et quelle affaire !
Fort heureusement, Sire Ewen nous avait déjà fait part de la décision du Comte de protéger le clergé des anciens dieux, en dépit des ordres du Roy, si bien que lorsque Roderick nous fit part de ses projets de félonie et de résistance, nous ne fûmes point surpris. Plus encore, la décision était déjà mûre en nos cœurs : pour mes camarades païens, l'évidence était à l'hospitalité et à la chevalerie. Pour moi aussi, bien sûr, mais en sus, c'était l'intégrité de ma foi qui se jouait en cet instant. Il fallut que caritas ne fut point un vain mot dans le cœur des croyants.
Pour cette tâche d'une ampleur nouvelle, nous avions un allier, en particulier : Sire Leo, glorieux chevalier et de visu tout aussi droit que le Comte. Nous discutâmes quelques instants, mais les esprits étaient déjà fixés quant à la suite du complot. Il nous faudrait être discrets, plus qu'à l'accoutumée, et bien que nos gorges voulurent chanter l'honneur qu'était le nôtre de défendre la chevalerie bretonne, nous nous accordâmes sur la furtivité de nos opérations.
Sitôt dit, sitôt fait. Bien ignorants d'où trouver druides et druidesses à l'heure où tous ceux-ci étaient pourchassés, nous partîmes dès le lendemain en direction de Stonehenge. Il nous fallait débuter quelque part. En arrivant, ce fût la Garde noire, ces pourceaux de malheur, qui nous accueillirent (bien que le mot vaille litote en la matière). La colère de voir ces êtres méprisables piétiner ainsi nos valeurs démangea ma dextre de les passer au fil de l'épée, mais je me retins : tel n'était pas notre devoir, en première instance. Ne pas faire de vagues, endurer pour la vie des pauvres gens. Pour l'honneur de Roderick et de mes camarades, aussi.
Nous avions identifié un des campements de ces misérables. Nous en déduisîmes qu'il nous faudrait éviter tout lieu sacré d'importance. Plus loin, nous nous arrêtâmes en maisnie de Sire Harold. Là, nous pourrions reprendre force et nous atteler à glaner informations nécessaires à notre quête. Ce fût dans cette froide soiré que 3 personnes firent alors leur entrée. Je les démasquais bien vite, non sans m'inquiéter de la facilité que j'eus à le faire : c'étaient là des druides : deux hommes, une femme. Nous les entretînmes de nos projets dans le secret de la nuit. Bien que méfiants au premier abord, ils finirent par céder. Nous les escortâmes par la forêt de Morgane. Là encore, nous rencontrâmes quelques chevaliers noirs, mais nos amis étaient trop bien dissimulés pour que ceux-ci posent quelque problème. Nous fîmes office de diversion, à défaut de pouvoir leur offrir la route pour passage.
Une fois forêt passée, la route fut plus sûre, car nous quittions les terres de Logres.
Je quittais mes camarades sur le chemin du retour. Et c'est avec grande joie que je retrouvai Sire Ewen en ses terres. Il me fallait entretenir un maximum de nos camarades de notre plan de créer réseau de passeurs via nos domaines pour païens en détresse.
Ce n'est pas première fois que je me rendais en ses terres. Néanmoins, j'eus chez lui tel accueil et tant de grâces me furent accordées que j'en gardai et garderai souvenir éternel. Le faste de sa cour eût fait pâlir celles du Comte Roderick en comparaison, et peut-être même bien celles d'Uther du temps de son célibat (celles d'aujourd'hui étant bien plus austères). En effet, je ne vis que rarement une demeure si apprêtée pour la venue d'un seul chevalier. De plus, il m'accueillit avec tant de transport que j'en éprouvai grande joie et fut marqué de sa sollicitude. Je ne manquerai pas à l'avenir de louer son hospitalité et de lui rendre son amitié en chaque occasion.
Mais trêves d'éloges, ce fut pour l'entretenir de nos complots que je vins à lui. Et c'est porté par notre bonne intelligence qu'il s'y joignit alors. Le soir même, comme si le destin avait posé les yeux sur notre entrevue, un ermite, fidèle du Christ, arriva tard dans la nuit pour nous faire part du passage de druides sur le territoire. Non sans avoir remercié le bonhomme et malgré la nuit, nous nous mîmes immédiatement en route pour ne pas les rater. C'est alors que nous eûmes la surprise de découvrir non pas un mais deux camps. L'un était bien occupé par des druides, mais l'autre était composé de roulottes. Encore des cousins de Sire Harold ! La négociation fut difficile pour convaincre les druides de nous suivre, mais un accord fut trouvé avec
Dès notre réveil, nous escortâmes donc le convoi jusque dans les terres d'Harold, et de là nous passâmes par les collines escarpées à l'ouest de Salisbury. Ce ne fût pas sans difficulté, mais nous préférions éviter de rencontre la Garde noire. Las ! Ce fut tout un campement qui se trouva sur notre route ! Nous dûmes attendre la nuit pour passer en toute discrétion. Et là encore, la chance manqua de peu de nous faire défaut tant l'essieu de certaines roulottes grinça. Fort heureusement, de grandes ronces entravèrent les chevaliers noirs qui patrouillaient, nous permettant de passer sans encombre.
Au cœur des ténèbres, nous frappâmes à la porte d'une maisonnée, au beau milieu de la forêt pour demander asile pour le reste de la nuit. C'était là un petit monastère habité par des moniales, et qui nous offrirent le gîte et le couvert avec bienveillance et sans guère poser de questions. Je me sentis obligé, en mon âme et conscience, et pour la bonne marche de nos projets futurs, de les gratifier d'une compensation adéquate. Dieu soit loué pour leur hospitalité ! Et Dieu soit loué de mettre autant de bonnes gens sur ma route ! Je ne puis qu'admirer la générosité et la bonté d'âme du peuple de Bretagne !
Une fois la nuit passée, nous pûmes repartir sains et saufs et terminer notre voyage. Elle n'est pas simple, la tâche que Roderick nous a confié. Mais Dieu sait qu'elle est importante !