Le premier gros événement commence peu de temps après l'apparition du premier jeu de rôle : Donjons et Dragons. En 1979, le 15 août, James Dallas Egbert III disparaît du campus de Michigan State University sans laisser de trace. Il est alors âgé de 16 ans. Les parents engagent un détective privé, William Dear, pour retrouver le garçon. Lors de ses investigations, Dear apprend que James joue régulièrement à Donjons et Dragons et analyse le jeu.
Il finit par en déduire que celui-ci participait à des parties en "grandeur nature" dans les sous-sols de l'université mais chose incompréhensible, le corps est introuvable. Il est expose au média cette voie, il continuera pendant un mois jusqu'à ce que James se manifeste lui-même.
L'acharnement médiatique ne fait alors que commencer. Plusieurs suicides sont connectés au jeu de rôle, ne serait que vous ayez participé à une seule partie de jeu de rôle vous étiez en danger. La presse publie articles, fait des émissions pour dénoncer "la dangerosité du jeu de rôle". C'est ainsi qu'ils provoquèrent cette peur contre les rôlistes.
En même temps que les médias, différents mouvements religieux s'intéressent à ces événements. Des livres où on parle de magie ! On peut y jouer un magicien ? Sans aucun doute c'est un recueil de magie noire ! On cherche alors par tous les moyens à discréditer le jeu de rôle et en particuliers Donjons et Dragons.
« DONJONS ET DRAGONS est imprégné des idées de Satan le Diable qui a toujours prôné l’avidité, la violence et le démonisme. »
- RÉVEILLEZ-VOUS, pamphlet distribué par les témoins de Jéhovah.
« Fantasmer sur des activités que Dieu a défendues (l’immoralité, la violence, l’occultisme, l’adoration d’autres Dieux) est certainement une utilisation néfaste de notre pouvoir d’imagination, don du Seigneur. »
- tiré d’un journal de l’Église protestante d’Angleterre.
«Dieu est capable de délivrer ceux qui viennent à Lui. La victoire est nôtre. Mais d'abord, nous devons recevoir la puissance de Dieu ... Nous avons discuté des problèmes que provoquent les participations sataniques. Si nous sommes trompés par l'utilisation du Ouija Board, de la musique, ou la divination par Donjons et Dragons, le résultat final sera la même servitude occulte. »
- Ruse Wise, auteur chrétien conservateur
Adorez des dieux païens, mais pensez-vous donc ? On assiste à une quasi chasse aux sorcières des rôlistes.
« Il convient de se demander si celui qui participe à des jeux comme D&D suit bien le conseil des Écritures – continuez d’aimer vos ennemis et de prier pour ceux qui vous persécutent. »
« Il y est conseillé d’uriner dans les fonts d’eau bénite pour désécrer les églises… Un simple aperçu des règles convaincra le chrétien que D&D n’est pas pour lui… Ce jeu parle de chiens de l’enfer, de squelettes, de spectres, de vampires… Or, les chrétiens ne devraient pas chercher à connaître les choses profondes de Satan »
– Révélations 2 : 24
En juin 1982, une femme, Patricia Pulling, après le suicide de son fils parce que le personnage de celui-ci était mort, créa l'association Bothered About Dungeons & Dragons, et fut rejointe par de nombreux personnes qui vécurent la même tragédie. Elle fera alors une guerre de propagande y compris à la radio et la télévision.
La même année, un film appelé Les Monstres du Labyrinthe, ayant une vague ressemblance avec l’affaire James Dallas Egbert, sort au cinéma. Beaucoup de gens avec de vagues souvenirs du dossier Dallas Egbert considérèrent alors que l'œuvre était fondée sur une histoire vraie, plutôt qu’être une fiction, ce qui amena, avec la grande couverture médiatique de l'époque, une nouvelle fois une triste conclusion : le jeu de rôle est dangereux.
On arrive à un point où chaque sujet dénonçant le jeu de rôle fait d'énormes ventes ou audiences.
Les faits finirent aussi par traverser l'Atlantique et arrivé en Europe. Cela fut bien pire ici.
Le 9 mai 1990, dans une petite ville de Provence, Carpentras, dans le cimetière des tombes sont profanées, 34 au total, et le corps d'un vieil homme est même exhumé une semaine après avoir été enterré. Il sera exposé nu sur une tombe avec un parasol planté entre les jambes. Toutes les tombes sont juives et la presse suit de très près cet acte ignoble.
Le ministre de l'intérieur, Pierre Cox, accuse le parti du Front National d'être impliqué dans ces profanations. Pendant 5 ans, cette piste sera suivi et de soupçonner un groupe de jeunes, fils de notables et du maire, qui participait régulièrement à des parties de jeu de rôle. Une femme renforcera ses rumeurs mais il se révèlera qu'elle est une mythomane. La presse déclenche alors une inquisition beaucoup plus virulente que la police à l'encontre de ces jeunes et du jeu de rôle.
« À cette époque, des adolescents de Carpentras se livraient à des distractions dangereuses ; les jeux de rôle. Dans la nuit du 8 au 9 mai 1990, les joueurs ont profané le cimetière juif […] », publiera le magazine Paris Match.
Les grandes émissions françaises relaient cet acharnement à propos des événements de Carpentras : Témoin n°1 porte un coup énorme quand le Dr Abgrall, psychiatre spécialiste des sectes, fait une intervention virulente sur la "sectarisation" du jeu de rôle.
C'est ainsi que le journal l'Express présentera les jeux de rôles :
« Ils s’inspirent de satanisme, de légendes médiévales, mais aussi d’un fatras idéologique ou s’entremêlent croix celtiques et délires nasillons. Bref, un culte de l’horreur susceptible de déraper à tout moment… »
Puis c'est autour de Bas les Masques animé par Mireille Dumas, le 11 octobre 1995 qui poignardera à nouveau le jeu de rôle.
Témoigne un ancien rôliste de la ville de Carpentras :
« Avec les copains, on a fini par demander l'autorisation au directeur de créer un club de jeux de rôles. Le directeur ne comprenait pas trop ce que c'était, mais comme les profs de français disaient que ça allait nous épanouir, on a eu carte blanche.[...] [Après les événements de Carpentras] les rôlistes de la France entière devinrent des psychopathes qu'on ne comprenait pas. Notre club de jeu de rôles fut supprimé, et on nous fliquait dans la cour pour voir si on avait pas des dés de jeu de rôles sur nous. Une vraie chasse aux sorcières, quoi. »
Comme aux Etats-Unis, on arrive à relier quelques suicides au jeu de rôle sans que cela soit prouvé mais l'audience est là.
Ainsi de suite, le monde des rôlistes, pourtant totalement pacifiste, fut montré du doigt, et plusieurs milliers de joueurs, touchés par cette haine et la peur, cessèrent les parties. Jouer au jeu de rôle devint rapidement un signe de démence, d'appartenance à une secte et de menace de mort pour l'entourage des personnes plongées dans cet univers. On ne pouvait plus faire une petite partie, sans être ensuite insulté ou rejeté de tout autre groupe. Ce monde était un tabou de plus au sein de la société.
Le peu de subventions qui était donné aux clubs de jeu de rôle sont stoppées obligeant nombre d'associations et de boutiques de fermer, ou mis sous surveillance par divers organismes.